mardi 24 mars 2015

De la voie de garage à la longue montée

Tournant majeur dans mon action civile : j'ai pris, après une longue réflexion, la décision de cesser mon action au sein du Collectif des Gilets Jaunes, et d'agir ailleurs. Voici, en l'état, le chemin de pensée qui me fait aboutir à cette conclusion et permettra à ceux qui me lisent (et trouvent de l'intérêt à mes propos) de comprendre ce choix :
  • Sur les efforts engagés
  • Sur la mobilisation
  • Sur la possibilité d'une évolution positive de cette mobilisation
  • Sur l'efficience de Facebook comme support de comm' et de mobilisation
  • Sur la pertinence d'un combat contre lequel pèse toute la force de l'inertie politique et de l'autocensure médiatique.
Je terminerai par mon bilan des courses.

Number ouane : sur les efforts engagés
Je ne ferai pas l'article sur ma mobilisation surhumaine et mon engagement à corps perdu dans cette lutte qui reste, malgré tout le travail mené, confidentielle : de Mme la Maire de Saint-Médard-en-Forez faisant grève de la faim avec Céline, à Katia, Caroline, Flo, Coralie, Juliette et tant d'autres, des ATSEM de Bezons en grève jusqu'aux parents boycotteurs de métropole et d'outre-mer, des recours en tribunal administratif jusqu'au Conseil d'Etat, je suis très, très loin d'être le plus actif.
Mais je mesure la fatigue induite et le poids écrasant de cette mobilisation à l'aune de ma situation personnelle : je dors peu, j'ai objectivement mis en standby des projets personnels qui me tenaient à cœur depuis des années pour mener ce combat, j'ai passé des heures sur Facebook alors que j'exècre ce zéro social, et en plus d'y laisser mon énergie j'y laisse ma joie de vivre (ce qui n'est jamais bon pour une personne foutue comme moi).

Du haut de mes 10h minimum de transports en commun par semaine, malgré un travail qui s'exerce dans des conditions à peu près normales (donc, exceptionnelles au regard de celles de la moyenne des français), je n'y arrive plus.
Il me faudrait du temps libre pour recharger mes batteries : je n'en ai pas.

J'en suis à choisir entre écrire le tome 2 de mon bouquin, finir l'enduit sur les murs de mes chiottes, jouer aux legos avec mes filles, finir le mixage de l'album de mon groupe, écrire des textes ou des poèmes, ou passer une nouvelle nuit sur l'ordi, à me renseigner, lire des articles, rédiger des communiqués de presse (et aussi, il faut bien l'avouer, raconter des conneries, histoire de se détendre).
Et ces derniers temps, faut bien l'avouer, c'est la nuit sur l'ordi qui gagne. Après, c'est dodo de 0h30 à 6h45, et ça me bouffe, sans parler de la haute qualité d'une vie de couple où l'on passe sa soirée chacun sur son écran à facebooker et giletjauner.
C'est un cercle vicieux que je ne peux plus entretenir : je suis arrivé au bout de ce que je peux engager.

Number tou : sur la mobilisation
Faut pas se voiler la face : la région parisienne est la plus navrante des régions de France quant à son taux de mobilisation anti-réforme.

Mais elle représente assez bien, selon moi, la tendance générale du mouvement (sans arrière-pensée cynique ou parisianiste envers les gilets jaunes provinciaux, hein, soyons clair : je parle de tendance à l'échelle macroscopique).

J'attribue cela à plusieurs raisons (d'autres penseront différemment, so be it, là c'est moi qui disserte) :

  • le temps personnel réduit à quasi-zéro chez tous ceux qui ont suffisamment d'info pour savoir ce qu'est la réforme et ce que sont les gilets jaunes. C'est un classique, le fameux métro-boulot-dodo. Que celui qui a déjà réussi à boucler un tour du périph' en moins de 3 heures un jour de semaine me jette la première bière.Conséquence directe : le quidam parigot s'informe (au mieux) avec la télé sur la réforme, or la télé n'en pipe mot (j'en parle plus loin) ;
  • le manque d'intérêt pour la vie d'autrui et le repli sur soi, conséquence immédiate et assez facilement compréhensible d'une période grise.
    Ceux qui ont des gosses en bas âge ont toutes les raisons d'avoir peur de l'avenir : plus une thune de côté, des crédits de bâtard sur le dos pour payer la caisse qui pète à cause des bouchons et l'appart qui coûte une blinde à cause des malfaçons et des galères de copropriété... Cette chanson, je la connais par cœur, je suis entouré chaque jour de gens qui m'en font leur "variation sur le thème de...".
    Quand ça va mal, on s'occupe d'abord de soi, c'est bête mais humain. N'en déplaise à mes amis de province, il y a un humain coincé dans chaque parisien vénère ;
  • enfin, l'ignorance crasse des réalités pratiques de la société française, que j'estime entretenue collégialement par les politiques et les media nationaux au travers d'années d'inculture, notamment télévisuelle (je m'étendrai dessus un peu plus bas).
Conséquence immédiate et visible : une mobilisation qui baisse, qui baisse, qui baisse...

De ma première manif des Gilets Jaunes à Evry, à laquelle nous nous sommes ralliés sous la pluie et qui réunissait facilement 500 personnes, on est tombés à une petite cinquantaine ce samedi à Paris pour une manif conjointe avec le Collectif Citoyen Handicap. Comme disaient les lemmings : rock bottom !
Je le disais plus haut : c'est navrant. Et quand la maman du petit Charly s'est engagée sur la route à 3h du mat' pour 8h dans sa voiturette, direction Paris, pour venir plaider la cause de son môme handicapé et bientôt sans AVS en conséquence directe de la politique éducative et budgétaire du gouvernement, elle s'attendait probablement à quelque chose de costaud, qui appuie son effort. J'ignore ce qu'elle en pense : moi, à sa place, je serais simplement triste et écœuré. Pas à cause de ceux qui étaient là, mais à cause de ceux qui n'y sont pas venus.


A cette démobilisation s'ajoutent les échecs successifs des recours légaux, locaux comme nationaux, plus l'effet délétère du dialogue à la mode Facebook. Quoi de plus logique, alors, que plus d'un rendent leurs tabliers, convaincus que la lutte est perdue.
Pour l'instant, donc, vu de ma fenêtre, voici le score : Gouvernement : 1 / Gilets Jaunes : 0. Ça fait mal, mais c'est ainsi.


Number troua : sur la possibilité d'une évolution positive de cette mobilisation

Là, je vais faire court : y'a qu'à voir nos tronches pour piger où ça nous mène.
Fatigués, irrités, les "vieux de la vieille" du mouvement concèdent des efforts colossaux pour savoir et faire savoir, pour perfuser leurs proches sur les risques, les problèmes, les défaillances, pour aller dans la rue, pour rendre visible le combat.
Et ça ne marche pas. En tout cas, pas assez.

Parce qu'on s'attaque avec des armes citoyennes à un monstre exorbitant (au sens juridique du mot) : l'état, avec son appareil, son inertie, mais surtout son système d'autodéfense.
Celui-ci est tellement huilé et entré dans les mœurs que même des fonctionnaires soucieux des droits du citoyen et attentifs aux dérives d'un système de moins en moins démocratique se retrouvent contraints d'y collaborer en silence, sous peine de perdre leur job s'ils l'ouvrent.


Exemple récent : aux USA, Edward Snowden a quitté son pays et s'est exilé à Moscou parce qu'il a ouvert sa gueule contre la NSA : enjeux de sécurité nationale, protection des libertés individuelles, y'avait du très très lourd et c'était un point d'honneur. Et seul Moscou a accepté de l'accueillir (la France voulait le remettre aux ricains, merci Sarko et son retour dans l'OTAN).

En France, avec la réforme, quelqu'un a-t-il vu un inspecteur d'académie ouvrir grand sa gueule et dénoncer publiquement la gabegie complète de cette réforme merdique ? Parce que bon, c'est même pas du très très lourd, hein, c'est pas le début du totalitarisme, la réforme ! C'est juste un changement débile d'emploi du temps imposé sans argument défendable à tous les gosses des écoles de France. Comme dirait l'autre, "on était aux 4 jours et demi et on en est pas morts, hein !".

Et bah non. Personne d'impliqué n'a ouvert sa gueule pour dire que c'est de la merde. En France, un fonctionnaire, ça ferme bien sa mouille, sinon, crise oblige, c'est chômdu, et personne ne te reprendra. Nous avons tous cotoyé des enseignants, des responsables syndicaux, des fonctionnaires du ministère, qui nous ont tous dit que nous avions raison. Mais c'était en off...
Repli sur soi, mentalité de merde sciemment entretenue au plus haut niveau... y'a qu'à se baisser pour trouver des raisons au fait que ça ne bouge pas.


Alors, avec tout ça, comment la mobilisation pourrait-elle grandir ?
Il faudrait pour cela qu'elle trouve un écho. Qu'on sache enfin qu'en prétendant la sortir du merdier, on est en train d'y enfoncer sa tête à coups de rangers, à l'école.
Et pour que ça se sache, il y a... Facebook ?

Number quatre : sur l'efficience de Facebook comme support de comm' et de mobilisation
J'ai déjà eu, dans ces colonnes, l'occasion de dire tout le bien que je pense de ceux qui considèrent les réseaux sociaux comme un défouloir faussement anonyme, un endroit où l'on peut se permettre de tout dire, tel qu'on le pense. Cash. Comme ça, parce que "tu comprends, moi je déteste ceux qui sont faux-cul".


Certes, joyeux et amical camarade.
Mais ne pas vouloir être faux-cul, est-ce que ça justifie d'écrire des choses comme "va te faire foutre", "je t'emmerde", "tu ferais mieux de la fermer", "c'est à cause de gens comme toi qu'on n'y arrive pas" ?
Qu'est-ce qui devrait primer, dans un espace de discussion écrite : la qualité des idées ou la franchise de l'expression ?
Qu'est-ce qui ramène des points et des participants, dans un groupe de personnes qui s'opposent à une décision politique comme la réforme : avoir des débats riches et stimulants, où l'on s'affronte à coups d'idées, ou des batailles rangées qu'Ordralfabétix ne renierait pas, sur le mode "tu vas voir s'il est pas frais mon poisson" ?

Facebook est affligeant, parce que Facebook pousse à la division :


  • Impossible de mettre en avant une conversation intéressante : la première connerie qu'on publie après chasse les articles de valeur dans les limbes ;
  • Impossible de gérer efficacement le contenu : quand on souhaite modérer les échanges pour contraindre à la politesse, on se fait traiter de censeur, et quand on laisse libre court à la parole, les noms d'oiseaux fusent plus rapidement que les stratégies de combat.
  • Impossible d'aboutir à un consensus et d'identifier des personnes "référentes" : il faut toujours se défendre de vouloir "prendre le pouvoir" contre des gens qui confondent le nombre de J'aime avec l'intérêt des idées émises, qui confondent la popularité d'une conversation avec la popularité de ceux qui l'animent.
    Combien de fois machin a accusé trucmuche de vouloir tout régenter !
    Combien de fois bidule a dit de se méfier de chose !
    Combien de fois j'ai eu envie de distribuer des taloches à la volée pour rappeler aux gens qu'on n'était pas là pour élire qui a la plus grosse ou qui pisse le plus loin !
  • Impossible de maintenir la conversation dans un cadre partagé par tous : à la première divergence d'opinion, ou dès l'irruption d'un de ces interlocuteurs particuliers qu'on rencontre souvent, fin et posé comme un coup de tractopelle dans la gueule, la tentation est irrésistible d'ouvrir un nouveau groupe secret où on se retrouve seulement entre gens qui sont d'accords... jusqu'à ce qu'on ne soit plus d'accord et qu'on fasse encore un autre groupe secret... ad nauseam.
  • Et enfin, la dernière : impossible de faire confiance aux engagements pris sur Facebook. Ça, ça se vérifie à chaque manif quand on fait le décompte entre ceux qui ont cliqué sur "Je participe" et ceux qui participent effectivement.
    Y'a un nombre de gens distraits qui oublient qu'ils ont piscine quand ils cliquent ! C'est stupéfiant...


Et tout ça, pour le gouvernement et sa machine à broyer, c'est-à-dire ceux à qui l'on s'oppose en dénonçant la réforme, c'est du nanan.
C'est le rêve du "Prince" de Machiavel : divide et imperare, divise et tu règneras.

Donc, à cause de notre principal support d'échange, nous sommes divisés.
Et il faudra plus qu'un peu de scotch pour nous recoller : je constate que des inimités fortes, voire violentes, se sont formées entre plusieurs personnes.
Ces mêmes personnes, pourtant, défilèrent ensemble sous les mêmes bannières, en dénonçant les mêmes absurdités, et ne sont en réalité probablement séparés que par des pécadilles dont ils ne tiendraient même pas compte s'ils dialoguaient de visu.
Mais... Facebook est là, avec tous ses effets pervers, et la moindre parole qui n'est pas soupesée et placée avec adresse à la bonne place est susceptible de se retourner contre vous sans prévenir et de vous péter à la gueule.
Clic, like, post, flamewar : ça résume assez bien la séquence habituelle à laquelle on assiste.

Donc, puisque Facebook est un outil de merde pour ce combat, il faut envisager d'autres moyens de comm', non ? Pourquoi pas... la presse ? Hmmm ?


Number cinq : sur la pertinence d'un combat contre lequel pèse toute la force de l'inertie politique et de l'autocensure médiatique

Pas de bol : les media nous snobbent.
Des mails, on en a envoyé par milliers.
Des contacts avec la presse, on a tenté d'en avoir de partout : télé, journaux, radio, blogs, jusqu'à la presse étrangère.

Et si, au début, notre lutte tombait plutôt bien pour remplir le JT de Pernaut entre deux sujets omnibus (pour reprendre la terminologie de Bourdieu), genre "pensez à stériliser votre chat" et "le festival du cabécou à Issoubly-sous-l'Huis", force est de reconnaître que nous n'avons jamais, JAMAIS été pris au sérieux.

Je me rappelle encore de la pertinence ahurissante des arguments opposés à Elodie et Katia par les "chroniqueurs" bas de plafond aux réflexions dignes du Bar des Sportifs après le sixième ballon de muscadet chez Ruquier. On leur parle de mise en danger des gosses et de l'école, ils répondent à côté de la plaque et c'est eux qu'on applaudit !
Je me rappelle des petites phrases assassines en fin de reportage des télés nationales ou locales, concluant sur l'ampleur forcément limitée de la mobilisation (ce qui ne devrait pas être un critère) au lieu de la pertinence de la mobilisation (qui suffit à décider si les protestataires sont des hurluberlus ou des lanceurs d'alerte dignes de foi).
Et je me souviens des papiers (WC !) des pisse-copies rédigeant des proses plus ou moins nationales sans avoir, d'évidence, bossé leur sujet, et se gardant bien, avec cette bonne foi couille-mollisante qui paraît être la règle dans la majorité de la profession actuellement, de donner leur avis sur le sujet (bon ou mauvais, peu importe).
Je me rappelle, enfin, d'une conférence de presse donnée dans les locaux du SNE à Paris...en l'absence de toute presse, mis à part le farfelu adorateur de la réforme de l'inénarrable "Café pédagogique".
"Filme-toi toi-même" : ça pourrait être drôle s'il ne s'agissait pas d'un problème de société sérieux.

C'est sûr, c'était un sujet compliqué, cette réforme, pour un journaliste.
Un sujet qui nécessitait de travailler pour rendre digeste une mesure complexe. Du coup, c'était pas sûr qu'en passant ça à la téloche on arrive ensuite à bien vendre de la lessive au spectateur, avant la météo.
Et, toujours pour reprendre le lexique de Bourdieu, ça ne permettait certainement pas au journaliste chroniqueur de niquer TF1 ou iTélé car, c'est malheureux, les journaleux de ce pays (même chez les satiriques, j'en ai fait l'expérience personnellement) jouent inconsciemment ce jeu débile de la concurrence. Parce qu'il faut se démarquer des autres. Parce qu'il faut gagner.

Gagner quoi ? On se le demande...
Alors que ce sujet aurait dû être central lors des élections municipales, en raison des choix politiques qu'il allait imposer à toutes les communes, en raison du bordel qu'il allait mettre dans toutes les familles, en raison des nouvelles déchirures qu'il allait créer dans le tissu socio-éducatif, hé ben... personne n'en a parlé. Tu comprends, fallait plutôt parler de la montée du FN, ça, ça intéresse vraiment les français.
A quoi je répondrai, en mon nom personnel, et à la face de tous les gratte-papiers à petit bras qui cultivent au jour le jour l'indigence et l'inculture en croyant informer : connards, qui êtes-vous pour décider de ce qui m'intéresse, moi ?

Et comme si ça ne suffisait pas, l'appareil administratif, judiciaire et politique s'est avéré totalement incapable de faire son boulot, c'est-à-dire traiter correctement ce véritable problème de société, issu d'un projet mal pensé, afin de le renvoyer à la planche à dessin pour en refaire un qui puisse marcher.

Les avis d'experts ne manquaient pas, les retours d'expérience non plus :
  • des lettres de Claire Leconte au ministère,
  • des vidéos de Christian Schoettl expliquant comment lui, un maire d'un p'tit bled de l'Essonne, avait acquis par un heureux hasard et avant nous tous la connaissance suffisante des enjeux des rythmes biologiques en rapport avec l'école,
  • des témoignages de parents,
  • des calculs sur le coût nécessaire pour que la mesure soit efficace,
  • des tirages de sonnette d'alarme quant aux insuffisances manifestes des enquêtes PISA servant d'argument monobloc pour justifier la réforme,
  • deux avis négatifs du Conseil Supérieur de l'Education (consultatif seulement, évidemment)...
Face à ce déferlement, un système politique authentiquement républicain aurait abouti à la seule conclusion logique : on stoppe tout. On aurait eu un ministre qui aurait dit un truc du genre "Nous constatons que, en l'état, la mesure doit être étudiée plus en profondeur car elle provoque des difficultés dont l'ampleur n'avait pas été suffisamment mesurée".

Mais aujourd'hui, je constate que l'appareil France tourne à vide. Y'a une panne de micro dans la pièce du fond, on peut gueuler tout ce qu'on veut, preuves à l'appui : rien ne s'inscrit dans les boîtes noires.
Le gouvernement n'écoute rien.
Les préfets obéissent aveuglément.
Les tribunaux administratifs pissent dans le sens du vent impulsé par le pouvoir central.
Et, cerise sur le MacDo, la juridiction ultime de notre pays (le Conseil d'Etat), au lieu de s'emparer d'un sujet sur lequel le calendrier impose une réponse rapide :
  • prend 2 ans pour ne pas lire le dossier qui lui est adressé
  • renvoie chez eux les syndicats qui disent que cette réforme pue,
  • renvoie chez eux les élus qui disent que cette réforme pue,
  • condamne sans réfléchir tous les enfants du public à subir sans gémir cette réforme de merde !
Pourquoi ? Parce que l'intérêt défendu aujourd'hui par cette juridiction n'est pas l'intérêt du peuple, mais l'intérêt du gouvernement.
Preuve la plus flagrante : le Conseil d'Etat a aboyé et est venu faire le beau dès que l'ex-ministre de l'intérieur, aujourd'hui premier ministre, a claqué des doigts pour faire valider l'interdiction du spectacle nantais de Dieudonné, ce qui revient selon moi à sanctionner un délit (style "apologie de crime contre l'humanité") avant qu'il n'ait été commis (Minority Report dans ton cul, pour faire court et vulgaire). Moins de 2 jours pour statuer... c'est beau, la fidélité, non ? En tout cas, chez un clébard, ça force le respect.
Alors, avec un Conseil d'Etat, t'imagines...

Conclusion : on fait le bilan des courses ?
Les Gilets Jaunes, dont moi, se sont battus comme des beaux diables, mais avec le recul, ils n'avaient aucune chance de l'emporter.
Nous sommes un petit morceau de caillou tiré au lance-pierre contre un char AMX-30.
Ce char devrait garantir notre sécurité à tous. Être à notre service à tous. A notre écoute à tous.
Mais il est actuellement aux mains d'une bande de notoires zozos qui n'en ont manifestement rien à battre de suivre le programme de la république, ni d'obéir aux grands principes garantissant que même le plus pauvre et seul des citoyens doit pouvoir faire valoir ses arguments face aux institutions de son pays.
Tous les Facebook du monde n'y changeront rien, toutes les télés du monde n'y changeront rien : malgré nos gilets fluos, malgré la véracité établie des alertes que nous lançons, nous restons invisibles.

Je l'attribue au fait que notre pays s'est rendu aveugle à ses propres carences
Sourd aux appels de ceux qui jouent vraiment le jeu de la démocratie.
Insensible à la douleur qu'il cause, et notoirement à ses enfants.
Je ne peux pas dire qu'il soit muet, mais notre pays ne nous parle plus : il déblatère. Sans cesse, il nous confronte à la même litanie infantilisante, réductrice et débilissime, comme par exemple ces résultats de sondage éminemment contestables jetés à la face de ceux qui, les deux pieds dans la merde le réel, signalent aimablement que ça commence à puer avec la réforme et qu'il faudrait arrêter d'en rajouter dans la fosse septique qui déborde de partout.

Ma conclusion vient donc naturellement : l'appareil républicain actuel n'est plus en état d'assurer la mission républicaine :
  • Il est trop habitué à trancher dans le sens du "on ne change rien" (de Notre-Dame-Des-Landes à Sivens en passant par la réforme et, pourquoi pas, par la Lorraine) : si l'état a dit, l'état a raison. S'il se trouve qu'il a tort, s'arranger pour que ça ne se sache pas.
  • il est trop calé sur ses rails, incapable de faire marche arrière ou de changer de trajet sans qu'on dise "il perd la face" (alors qu'il évite peut être juste de se jeter comme un con dans un précipice, et nous avec) ;
  • il a réduit à des trous de pine les meurtrières déjà anorexiques qui lui servaient à voir le présent ;
  • il est trop alléché par la compétitivité qu'il appelle de ses vœux mais qui ne vient pas (et que, d'ailleurs, personne ne sait mesurer),
  • il s'est trop saoûlé de relance économique. Ça me rappelle une fois où j'essayais de relancer un moteur : je démarre, il cale, je démarre, il cale, j'insiste, j'insiste, jamais il ne démarre, et même il finit par ne plus rien faire du tout. Y'avait plus d'huile, le moteur a serré. Je l'ai foutu en l'air à force de vouloir le faire marcher sans essayer de comprendre pourquoi il ne marchait pas. Ça vous parle, comme image ?
  • il est dépendant à une drogue dure, la fabuleuse et éternelle corne d'abondance de la sainte croissance qui, chacun le sait, est le seul bonheur terrestre possible pour les êtres humains (j'adopte ici la définition de Pierre Gattaz, qui fait de lui et des patrons du CAC 40 des humains. Les autres ne comptent pas, ce sont juste des français)...
L'appareil France bousille un à un les organes qui ont fait de lui un point de mire vers lequel on se tournait.
Ca se disait, à une époque : "on est quand même pas si mal, en France, avec l'école gratuite, avec la laïcité, avec la justice, avec la sécu". Aujourd'hui, même moi j'ai du mal à y croire pour moi-même, et pourtant j'ai un taff et je suis blanc (sacrés atouts de nos jours).
Dans d'autres pays, y'en avait qui disaient : "ils en ont, de la chance, les français, eux au moins ils ne doivent pas prendre un crédit sur 10 ans pour payer leur pontage et le cardiologue". Le disent-ils encore ? Si oui, c'est qu'ils n'ont pas vu les nouvelles.

Et moi, je pense que tant que ça durera, il n'y aura aucun espoir de changement pour ceux qui, comme les Gilets Jaunes, luttent. Parce que les outils du changement fournis par l'appareil sont aujourd'hui tous défecteux.

Alors voilà, c'est pas un abandon, en tout cas je ne le vois pas comme ça. C'est un changement d'axe de travail.
Je décide de mettre l'énergie que je mettais dans les Gilets Jaunes au service d'un projet visant à rendre sa capacité à l'appareil républicain, pour que, à terme, les luttes sociales comme la nôtre aient de nouveau une chance d'aboutir.

Chacun son projet, le mien s'appelle "Mouvement pour la 6ème République", et j'espère y peser suffisamment fort pour y faire valoir ce que j'ai appris et retenu lors de nos combats : l'importance d'une école qui ne jette personne dehors, l'importance d'une égalité d'accès de tous les enfants à une école de qualité, l'importance de la reconnaissance et de la valorisation du travail des enseignants et de tous ceux qui participent à la vie de l'enfant.

Y'en a pour un moment, avant que ça aboutisse. Mais j'estime que c'est là qu'il faut glisser le levier, pour balancer dans un trou la Vè qui se fait dessus (en nous noyant dans sa flaque) et faire place nette pour une VIème. Si ça vous tente, viendez, on ne sera jamais trop.

Merci pour votre compréhension et votre lecture, et à bientôt,
G4rF