jeudi 18 septembre 2014

Comme des pions

Dur, dur de se pousser aux fesses pour faire avancer le combat dans l'atmosphère ambiante.
Les ministres filent,
les galériens défilent

C'est là que l'on mesure le coût qu'engendre une bataille dans laquelle on sait qu'il faudrait des forces massives pour l'emporter très rapidement, mais où l'on constate assez vite qu'on est isolés malgré nous, au milieu de la masse des "on n'y peut rien", "à quoi ça sert de se battre", et j'en passe.


11 septembre : commémoration
de la connerie
J'évoquais dans un billet précédent l'espoir que je plaçais dans la confrontation au tribunal administratif entre le préfet de l'Essonne et le maire de Janvry, précurseur de la lutte contre la réforme des rythmes scolaires.
Aussi incroyablement stupide que ça puisse être, le tribunal a donné raison au préfet.

Décidément, le 11 septembre, c'est vraiment une journée pourrie.

Je retire donc ce que j'ai dit : le droit, c'est pas fun.

En synthèse, on peut dire que le tribunal s'appuie sur la décision rendue par le Conseil d'Etat ce 2 juillet, suite à un recours contre le décret Peillon/Hamon déposé par une asso de parents, auquel a été associé le recours déposé par Sud Education.
Jurisprudence power.
Mais, et c'est là que le bât blesse, la décision en question est, en tout état de cause, entachée d'erreur. Je cite le paragraphe qui me fait bondir :
Solide, sûr, élégant :
un argumentaire qui tient la route !
13. Considérant, en deuxième lieu, que, dès lors, ainsi qu’il a été dit au point 3, que le décret attaqué ne crée pas une obligation pour les collectivités territoriales d’organiser des activités périscolaires complétant la journée de travail des élèves, les moyens tirés de ce que cette obligation méconnaîtrait le principe constitutionnel d’égalité, le principe d’indivisibilité de la République française et le principe de libre administration des collectivités territoriales ne peuvent qu’être rejetés ; que les moyens tirés du défaut de clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité soulevés par l’association requérante sont également dirigés contre les dispositions du décret, qui créerait une telle obligation, et ne peuvent également qu’être rejetés ; 


S'il est inévitable de constater que le décret original et sa version hamonisée ne font pas mention explicitement d'une obligation d'organiser des activités périscolaires, il faut remettre les choses dans leur contexte d'application : en déplaçant du temps scolaire sur une demi-journée de plus, la réforme crée des trous, et aucun financement n'est prévu pour que les communes puissent "boucher" ces trous avec le minimum requis (c'est à dire de la garderie).
Financement de la réforme (allégorie)

En effet, le fonds d'amorçage n'est là que pour démarrer la mise en place d'activités périscolaires, et donc si t'en fais pas, t'as rien.

Conclusion : la réforme crée bel et bien de nouvelles dépenses pour les communes, qui sont contraintes d'ouvrir les écoles une demi-journée de plus par semaine (ça coûte du fric : de l'eau, de l'électricité, du nettoyage, de la maintenance) et de prendre à leurs charges les mômes pendant les trous d'emploi du temps créés.
Et si les communes ne peuvent pas ou ne veulent pas mettre de TAP, c'est zéro thune et tu fermes ta gueule.
C'est donc du marche ou crève, et si ça c'est pas se torcher avec le principe de libre administration des communes, je ne sais pas comment l'appeler.

De là, que faire ?

Déjà, se rappeler qu'il y a des éléments positifs.
Et d'une, maintenant que toute la France a les deux pieds dans la merde réforme, on constate un regain d'intérêt pour ce sujet.
Nous avons lancé un petit sondage (3 minutes pour répondre) destiné à ceux qui subissent directement l'effet de la réforme : en moins de 3 semaines, nous avons reçu 3200 réponses, et le bilan est sans appel :

Et de deux : il est encore possible de faire tomber cette grossière connerie et de se retrousser les manches pour bâtir un système éducatif qui ne marche pas sur la tête.

Maman, je peux écrire un autre
décret avant de passer à table ?
Steuplééééééééé !
Rappelons à cet effet --merci l'arrêt du Conseil d'Etat qui le rappelle à sa façon-- que, puisqu'apparemment l'organisation de la semaine scolaire relève de la prérogative du directeur académique, puisque celui-ci est semble-t-il choisi pour sa capacité à plier l'échine face à l'incurie de sa hiérarchie, puisque celle-ci a le pouvoir de tremper sa plume dans l'encre inbile pour rédiger un décret qui dit "demain, il y aura cours de 4h du matin à 6h03, puis récré pendant 8h47 et reprise des cours jusqu'au coucher du soleil"... hé ben ladite hiérarchie peut aussi dire "oh, té, les mecs, on s'est complètement gourrés avé cette réforme de mes cougourdes, alors on va embrasser Fanny, et après on se met à table pour l'apéro et pour parler un peu sérieusement d'école et de ce qu'il faut faire pour qu'elle remarche, cong !".

Ça, c'est le pouvoir du ministère, apparemment. Je repose donc la question : qu'attend donc la ministre pour user de son pouvoir (dans un sens non imbécile, cela va sans dire) ?

Machine à réformer l'école
(fonctionne à l'eau tiède)

Que s'empilent de plus en plus les témoignages de dysfonctionnement de cet épouvantable bouzin ?





Aujourd'hui, on tond le berger !

Que les gentils moutons, dressés à la docilité et au "c'est leur problème" réalisent qu'on les mène droit dans le mur et qu'ils cessent de se laisser berner ?



Chuck Norris dit :
les jeux sont faits




Que ceux qu'on gouverne comme des pions se réapproprient leur pouvoir, fassent les fous, montent dans les tours et sur leurs grands chevaux pour faire échec au petit roi ?






Certes, les français sont mous, probablement parce qu'on leur hache leur steack au lieu de les contraindre à aller le chasser. Société des loisirs, chacun sur son quant-à-soi, plus personne pour se révolter, plus personne pour manifester... jusqu'au jour où ça pète. La réforme des rythmes scolaires, c'est une étincelle de plus qui tombe en plein dans la Sainte-Barbe.

Mâche ta brique !
Pour être parfaitement franc, et livrer mon point de vue personnel, je ne peux imaginer qu'un pays tout entier, gouverné par une caste détachée de la réalité et qui n'a plus qu'un vague rapport avec le bas peuple et ses turpitudes, accepte encore bien longtemps de se bouffer le mur et d'être contraint d'en mâcher les briques.
Quand ça va péter --et ça va péter, on en est sûr, on se demande juste quand-- la violence des représailles sera, j'en suis persuadé, proportionnelle à la taille des couleuvres qu'on aura contraint les petites gens à avaler.

Et moi, j'écris ça assis peinard devant le clavier, avec un salaire correct qui tombe chaque mois et une dose de difficultés somme toute modeste à affronter. Moi, qui suis techniquement plutôt à l'abri de la galère et loin de la misère, j'en ressens les chocs dans mon modeste séant.
Je veux pas trop faire mon Dickens, mais imaginez ce que pensent et veulent faire à leurs bourreaux quotidiens ceux qui ont moins de chance que moi...
(J. Tardi)
--G4rF--

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